2023 – SOUVENIRS DE LECTURE ESTIVALE : FESTIVAL ANIMALIER / La chronique de DENIS BILLAMBOZ

DENIS BILLAMBOZ

La littérature s’intéresse souvent aux animaux notamment à travers des supports spécifiques comme le livre illustré, la bande dessinée, les livres musicaux etc… J’ai ainsi, au cours des derniers mois, eu le loisir et le plaisir de lire deux livres mettant en scène des animaux : un livre-disque édité par Le Label dans la forêt et un roman racontant une histoire vue à travers le regard d’un chat écrit par Pierre-Michel Sivadier aux Editions Stellamaris.

L’Afro carnaval des animaux

Arrangement de Florent Bogué d’après l’œuvre de Camille Saint-Saëns

Texte de Blick Bassy

Illustration de Magali Attiogbé

Le Label dans la forêt

Il y a quelques semaines, en fouillant dans ma pile de vieux vinyles pour rechercher les disques que je passais à nos enfants quand ils étaient petits, j’ai exhumé Le Carnaval des animaux de Camille Saint-Saëns revisité en différentes versions. C’est donc avec une belle surprise et un grand plaisir que j’ai découvert cette nouvelle édition proposée par Delphine Lagache, aux éditions Le Label dans la forêt. Elle a eu l’excellente idée de publier cette nouvelle version de cette œuvre sous la forme d’un conte musical africain. A cette fin, elle a réuni un groupe d’artistes autour de Florent Briqué pour l’arrangement, très libre, de la musique de Saint-Saëns en lui conférant un style moderne et africain, de Blick Bassy pour l’écriture des textes et de Magali Attiogbé pour les superbes illustrations.

L’œuvre créée respecte presque parfaitement celle de Saint-Saëns, les personnage évoqués sont presque tous les mêmes dans les deux versions, il n’y a que quelques minimes différences, en revanche la musique, même si elle respecte la structure de base et le séquençage de celle du célèbre musicien, est, elle, bien différente dans ses sonorités, rythmes et inspirations. J’ai écouté la version africaine et la version originale dans la foulée pour bien apprécier cette nouvelle adaptation. La différence la plus significative consiste en l’ajout dans la version africaine d’un texte que Saint-Saëns n’avait pas imaginé. Ce texte écrit par Blick Bassy est une suite de courts récitatifs ou chansons, insérés, entre chaque plage musicale. Dans ces courts textes, l’auteur présente les animaux qui font l’objet de la séquence musicale suivante. Dans la version exclusivement instrumentale du célèbre musicien, on peut percevoir une allusion aux animaux évoqués déjà dans d’autres oeuvres ; dans celle de Blick Bassy, les animaux sont bien présentés et mis en scène. Aucune erreur n’est possible quant à l’identification de leur espèce.

Ces textes occupent une place très importante dans l’œuvre, surtout les textes introductifs récités par Soro Solo avec sa voix tonitruante qui roule comme le tonnerre un soir d’orage dans la savane africaine. Avec l’ajout de ces textes dits ou chantés avec l’accent africain imposé par cette version « afro », l’œuvre de Saint-Saëns prend une couleur, une sonorité, un sens et une signification tout à fait particuliers qui se retrouvent très bien dans le livre avec les magnifiques couleurs vives et très chatoyantes utilisées par Magali Attiogbé pour ses splendides illustrations.

Cette nouvelle adaptation du chef d’œuvre de Saint-Saëns démontre bien qu’une œuvre d’art n’est jamais définitive, qu’elle peut renaître sur une autre palette, sous une autre plume, sous un autre pinceau, sous un autre djembé, … Saint-Saëns s’est inspiré d’autres musiciens pour écrire son conte musical, des éditeurs ont fait revivre son œuvre avec des parties dites ou chantées, Le Label dans la forêt, à son tour, l’a fait revivre aux couleurs et sonorités de l’Afrique tant pour la musique que pour les textes.

Les auteurs ont aussi choisi de conclure leur œuvre par un message de paix et de sagesse politique en rappelant que la violence n’est jamais la solution et qu’il faut écouter la voix de la sagesse et de la raison pour vivre ensemble dans la paix et l’harmonie.

Le livre-disque sur le site du Label dans la forêt

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L’être que je suis

Pierre-Michel Sivadier

Stellamaris

Ma première réflexion après avoir lu ce livre m’a conduit vers la littérature japonaise que j’ai fréquentée assidûment pendant une dizaine d’années. En effet, les Japonais aiment beaucoup le chats, ils occupent une large espace dans leur quotidien et les écrivains leur consacrent une jolie place dans leurs textes. Je me souviens notamment d’avoir lu : Le chat qui venait du ciel de Takashi Hiraide, Nosaka aime les chats d’Akiyuki Nosaka et Mes chats écrivent des haïkus de Minami Shinbô. J’ai retrouvé chez Pierre-Michel cette même empathie pour les chats, cette façon de les intégrer dans son quotidien même si dans ce récit c’est son chat qui raconte l’histoire.

Ce texte présenté par l’éditeur comme un récit est, pour moi, plutôt un recueil de saynètes qui, mises bout à bout, racontent l’histoire d’un chat né à Belleville, et, après avoir passé le périphérique, est revenu à Paris où il vit en colocation avec Isabelle une mezzo-soprano avec laquelle il s’entend très bien au risque de nuire à son instabilité chronique. Il se sédentarise même s’il pense souvent à son ami Jacques avec lequel il vivait en banlieue. Il raconte la vie qu’il mène avec sa colocataire, vue à hauteur de chat qui est parfois aussi haute que le dessus du placard. Mais, cette douce complicité est un jour troublée par l’arrivée d’un compagnon qu’il n’apprécie pas forcément : un chien qu’il juge un peu sot et trop complaisant avec Isabelle.

Il appelle son nouveau compagnon Aboi-Pattes et le juge inculte, contrairement à lui, il ne connait rien à la musique, au chant, à la chanson, à la littérature, lui vénère particulièrement Beckett. Malgré ces lacunes, il noue avec le chien une relation fondée sur la complicité, la rivalité, la jalousie et le respect des limites territoriales de chacun. Il préfère la compagnie des autres amis du jardin, notamment celle de Catherine la chouette qui est très cultivée.

Ce texte est une satire du comportement des humains souvent moins futés que les animaux qu’ils jugent comme étant leurs inférieurs même quand ils sont domestiques. C’est une petite leçon de vie en société, de comportement, de dignité, de respect et de culture que l’auteur propose à ses lecteurs. Pour nous en convaincre le chat d’Isabelle truffe son récit d’allusions aux paroles de chansons, aux dialogues de films et aux textes d’œuvres littéraires. Il cite aussi de nombreux compositeurs, instrumentistes, chanteurs et acteurs et d’autres encore…

Et comme l’écrit la postfacière, Françoise Grard, « A hauteur de chat, c’est toute une perception du monde qui se déploie, faite de sensibilité extrême et d’orgueil vulnérable, de sensualité exigeante et de sentimentalité pudique ». Moi, en bon Franc-Comtois, je ne peux qu’apprécier ce chat, il a bon goût, il adore le comté notre fromage emblématique.

L’ouvrage sur le site de Stellamaris

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