MISES A NU de CARINE-LAURE DESGUIN (Ed. Jacques Flament) / Une lecture d’Éric ALLARD


C’est la dernière injection intramusculaire que Marielle, une infirmière à domicile, administre à madame Libert. À cette occasion, celle-ci lui demande si elle a entretenu une liaison avec son mari, qu’elle soignait aussi et qui est décédé deux ans plus tôt. Elle ne se dérobe pas à la question et s’ensuivra un échange verbal forcément tendu où l’infirmière répondra à toutes les questions de sa patiente.

Sous le flot des révélations qui tombent à propos d’une liaison vieille de dix ans, madame Libert accuse les coups, un peu groggy comme un adversaire de lutte dans les cordes, auxquelles, non préparée à cette révélation qu’elle devinait sans y croire, elle réplique difficilement. Les mots lui manquent et Marielle connaît les points faibles de son adversaire, elle les lui révèle un après l’autre, même si, par moments, elle cherche à ménager la femme de son amant (la mise en pièces n’est pas sans quartier) et n’est pas tout à fait dupe d’une situation qui aurait pu être la sienne si elle avait accepté de vivre au quotidien avec cet homme.

Il apparaît que le Valmont (Etienne) de cette liaison a pu dissimuler pendant tout ce temps ses écarts à son épouse, jouant, un peu comme le personnage de Choderlos de Laclos, dans le jeu de la séduction, d’un côté, le patient qui révèlera à son infirmière d’insoupçonnés ressorts de bonne santé en lui donnant maints motifs de re-jouissance comme, des années plus tôt, le même homme avait su jouer de son statut de directeur d’un entreprise pour faire valoir des qualités extraprofessionnelles à sa secrétaire et future épouse…  

À l’instar d’un crime parfait, une liaison idéale ne peut pas toujours le rester. Celle ou celui qui l’a réussie, en vivant une part de sa « vie fantôme » (comme le titre du roman de Danièle Sallenave), ressent le besoin de se libérer d’un secret trop longuement gardé en l’exposant au su et au vu de tous. De même qu’en la circonstance, la femme de l’ombre éprouve le besoin de révéler la part cachée d’un homme à l’épouse légitime. Il s’agit aussi de refaire circuler de l’affect, de parler de cet homme autrement que comme un patient, de faire savoir, haut et fort, qu’on a été aimé de lui et de façon sans pareille.

Mises à nu, c’est un dialogue de Carine-Laure Desguin, mené tambour battant, sans temps mort, où les coups sont donnés, reçus, rendus et, au terme duquel, deux femmes en souffrance en viennent aux mots pour finir par admettre, au cours d’une sorte trêve et presque, dès lors, sur un mode complice, qu’elles ont aimé deux faces d’un même homme.


Carine-Laure Desguin, Mises à nu, Ed. Jacques Flament, coll. Dialogue, 80 p., 12 €.

Le livre sur le site de vente en ligne des Editions Jacques Flament


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